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Le désarroi des Assassiens face à une scolarité submergée

Mercredi 2 octobre 2019. Il est 7h38 et alors que les températures n’excèdent pas 9°C, la nuit fera bientôt place au jour. Le VIème arrondissement est encore engourdi, et ses rues sombres commencent à peine à revenir à la vie.

Pourtant, bientôt, les silhouettes d’une poignée d’étudiants se dessinent sur l’horizon brumeux. De si bon matin, et alors que les TD ne reprendront pas avant une dizaine de jours, quel élan peut bien les pousser à braver le froid et la nuit, pour se rendre si tôt devant la porte d’une Université Paris II encore déserte ?

Un excès de zèle, pour se présenter en avance à leur premier TD d’anglais de l’année ? Le besoin irrépressible de reprendre, le plus tôt possible, le chemin des cours, et regagner l’atmosphère qu’offre le plafond de LED si réconfortant ? Non, il s’agit d’un sentiment bien plus intense, bien plus profond. Un de ceux qui vous habitent corps et âme, vous font marcher en rond des heures et vous ronger les sangs : la peur.

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La peur. La peur de l’attente, et surtout de l’attente vaine. Cette angoisse qui vous fait dire "J’espère qu’ils ne refermeront pas les portes devant moi." Car voilà maintenant plusieurs semaines que plus de 5.000 étudiants demeurent dans l’attente. L’attente d’un site fonctionnel, qui leur proposerait les horaires de tous les TD auxquels ils devront se rendre cette année. L’attente, pour certains même, de la confirmation de leur inscription.

Alors que les cours ont pourtant déjà bel et bien repris. Une longue attente, déjà, et pourtant, l’attente encore.

L’attente, à présent, que vienne leur tour d’entrer dans le bureau de la Scolarité. L’attente qu’une âme charitable les sortira de ce bourbier visqueux, qui les enserre et les étouffe. Ils attendent, oui, car ils sont nombreux à apporter leurs doléances et leurs inquiétudes. Mais voilà, là où les ordinateurs auront échoué, les humains semblent également dépourvus. Le service de la Scolarité peine à entendre tout le monde.

Il est alors 8h52, et cette attente, nombreux sont ceux qui cherchent à la minimiser, en se postant devant la porte encore close du bureau qui ouvrira bientôt. La Scolarité n’a pas encore ouvert, et déjà la file s’étend sur plusieurs dizaines de mètres. Café pour les uns, croissants pour les autres, jus d’orange pour d’autres encore, on croirait un petit-déjeuner convivial entre camarades, les sourires en moins. "Et toi, tu es arrivé à quelle heure ? – Moi, à 8h35, je pensais que ce serait suffisant pour m’assurer d’être reçu." Une autre s’est mieux préparée : elle a passé la nuit devant les grilles, emmitouflée dans une épaisse couche de laine, sous sa tente, qu’elle porte maintenant sur le dos. Elle a épuisé ses réserves de figue séchée, le dos blesse et la sueur macule son front d’une rosée tiède. La nuit fut rude, mais elle est la première dans cette file toujours croissante.

La file. Elle s’étend maintenant sur plusieurs lieues, noircissant à l’horizon les collines du Sud-Ouest parisien. Certains sont venus de loin, ils ont apporté leurs provisions. Autour de l’un des nombreux feux qui constellent la plaine, cochons de lait, gibier de sous-bois et perdreaux maigres suintent et se colorent. Ici l’on tourne la viande, l’on ravive le brasier, Là d’autres montent les tentes, et sillonnent la terre meuble, encore humide des averses de la veille, pour y tracer les latrines. La nuit ne tardera pas à tomber, et les Sorbonnards alertes tenteront bientôt de brèves attaques, arrachant au passage quelques cris d’effroi aux L2, pour qui pareil marasme est une première.

Il fait froid, le vent projette la pluie sur les visages comme mille aiguilles, et il faudra revenir demain.

 

Pâris MILTIADES, Rédacteur du Canard d’Assas

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